dimanche 9 septembre 2012

"Vivre", première année...


L'ANEP (Association Naturienne[*] pour l'Epanouissement et la Plénitude de la Vie), l'association officielle qui anime ce blog, s'est constituée en 1986 autour de l'équipe rédactionnelle du magazine «La Vie au Soleil». Après avoir remis à flot ce média «historique» du Mouvement Naturiste fédéré, elle avait été évincée par un énième repreneur politiquement suspect (très proche du Front National).

Dès sa fondation, notre but a été de « restaurer, élargir et actualiser le concept de «naturisme» afin de disposer, au seuil du troisième millénaire, d'un projet novateur de culture humaine intégrale, de convivialité et de civilisation, acceptable par le plus grand nombre».

Et comme il est avéré qu'on ne peut efficacement se projeter vers l'avenir si l'on néglige de prendre appui avec réalisme sur le présent et sur ce qui l'a généré, c'est à dire ce «présent dépassé» qu'on appelle amnésiquement «le passé», je me suis tout particulièrement attaché à rassembler la mémoire de tout ce qui avait été pensé et expérimenté depuis les origines à propos de cette féconde alternative existentielle et culturelle qu'est, dans l'esprit, le Naturisme [*]. Notamment dans sa forme la plus holistique et avancée du Gymnisme (du grec gumnos : nu).

Qu'on ne se méprenne pas, il n'était pas question d'accumuler des «archives», vite empoussiérées et décrépies. Mais bien, dans mon esprit, de se donner les moyens d'aller explorer les racines de cette pulsion de Vie qui, par bonheur, résiste depuis l'aube des Temps historiques à toutes les tentatives d'étouffement ou de déroutement que les «bâtisseurs de Sociétés», les idéologues et autres forgerons de dogmes, ont tenté d'imposer ces derniers millénaires au cours de l'Évolution. Étant bien évident que si celle-ci, depuis quelques millions d'années, tente manifestement de passer par cette forme complexe et avancée qu'est l'être humain, elle n'en suit pas moins un cheminement constant, par delà les espèces qu'elle a successivement engendrées et privilégiées, vers plus de Conscience, plus d'Intelligence, plus de Créativité, plus de Socialité, et surtout, en dépit de ratées abominables, vers plus d'Amour !

Cette exploration m'a fait prendre conscience, de fil en aiguille, que les épisodes d'insoumission de cette «pulsion de Vie» rebelle n'étaient pas propres à notre époque moderne. Celle-ci, pourtant, bat tous les records historiques en force de répression; ou, plus machiavéliquement, depuis la mise au point de subtiles techniques de manipulation mentale, en moyens de détournement. A quelque niveau qu'elle tente de se manifester: physiologique, érotique, spirituel...Là où précisément elle présente le plus de risques de faire bouger les lignes des «ordres sociaux» établis. Et ce, en dépit d' apparences trompeuses savamment orchestrées par toute la Cour des prébendiers du Système !

De tout temps, aussi loin que puisse se porter le regard, des expressions  vigoureuses de refus de tous les carcans, des revendications massives de libertés élémentaires, ont jalonné l'Histoire. Et, en dépit des persécutions, elle les a malgré tout et heureusement, presque toutes consignées ! Surtout dans les périodes où des «normalisations» particulièrement abusives et contraignantes s'efforçaient de mettre en cage telle ou telle manière naturelle d' «être au monde». Et ces reniements organisés par les «pouvoirs» en place, avaient presque toujours trait au corps, à sa nudité, aux diverses expressions de sa vitalité. Ainsi, au Bas Moyen-Age, les Adamites, les Frères et Sœurs du Libre Esprit, parmi bien d'autres, en portent spectaculairement témoignage.

Le Naturisme, notamment dans sa forme gymnique, s'inscrit manifestement  dans cette ligne comme la ré-émergence moderne de ce courant éternel de résistances essentielles, consubstantiel à la Vie et sous-jacent à l'Histoire de toute l'Humanité.
C'est bien pourquoi il déchaîne contre lui tant de haine et de vindicte unanimes de la part des «autorités» instituées, laïques comme religieuses -quelqu'en soient les fondements idéologiques ou «culturels» !- qui tiennent en main les cordons de la camisole de force où suffoque la Vie en l'Homme ! Pour le «profit» quasi-exclusif d'une classe parasite (devenue hélas aujourd'hui planétaire !), obnubilée par les seuls «attraits» matérialistes et quantitatifs de l'existence.

Notre entreprise est donc claire. Elle tient en quelques objectifs : suivre à la trace cette révolte latente à travers les âges et les cultures; en contre-point, identifier les déviances-clés qui en sont la  cause; à partir de cette information, tenter de dégager par où, en l'Homme, passe la voie naturelle de l'Evolution; suggérer les réformes existentielles individuelles et sociétales susceptibles de nous en faciliter le rapprochement; parallèlement, créer ou encourager des espaces du quotidien où ce retour au Sens primordial de la Vie puisse se vivre réellement et pleinement.

Ce n'est donc pas gratuitement ni à titre purement «documentaire» que nous entreprenons aujourd'hui la mise en ligne de nos collections. A commencer par la plus novatrice et fondatrice de toutes, celle de la revue du Père du mouvement naturo-gymnique en France (Marcel KIENNE de MONGEOT) : «Vivre d'Abord !».
 Au fil de ces 412 numéros (le premier sorti le 15 Mars 1926, le dernier le 15 Mars 1962), nous découvrirons ensemble le cheminement d'une pensée qui se proposait de «mettre des mots» sur tous les aspects de cette aspiration viscérale au «vivre». Pensée d'une brûlante actualité au seuil de la plus explosive crise qu'auront jamais connue les Sociétés humaines et qu'essaye de temps à autre, parfois avec une insigne ignorance et beaucoup de maladresse, de maintenir à flot le Mouvement Naturiste officiel.

Les textes publiés vous feront rencontrer des «plumes» qui ont eu leur temps de notoriété à l'époque: beaucoup d'auteurs littéraires, beaucoup de médecins, beaucoup d'acteurs de la vie sociale,   artistique et culturelle du moment. Vous ne manquerez pas de remarquer qu'aucun n'éprouvait de honte à parler ouvertement de nudité, de sensualité, de beauté, de sexualité, de réforme des mœurs et des codes sociétaux !... Jamais de «pseudos», comme de nos jours où, a contrario de la prétendue «transparence» des réseaux sociaux, bien peu de «communicants» osent s'afficher à visage découvert sur des sujets réputés «délicats». Les Anonymus, on ne connaissait pas !
A ce propos, nous venons d'apprendre que l'Ordre des Médecins, hier en pointe dans la défense et l'illustration des options naturistes (gymnisme compris), sanctionne désormais ceux de ses adhérents qui auraient l'audace de signer de leur nom de praticien tout le bien qu'ils pourraient  encore avoir envie de dire à leur égard...

Vous serez également étonnés de la «jeunesse», de l'universalité et de la permanence des analyses et des thèses soutenues. Comme quoi, il y a bien un éternel humain qui transcende toutes les pseudo-modernités, toutes les races, toutes les cultures, tous les niveaux de savoir et de technologie...

Et c'est bien pour refonder la pensée naturiste sur les constantes incontournables de la Vie et du phénomène humain que nous entreprenons cette diffusion. A «Vivre d'Abord !», nous appelons cela les fondamentaux du Naturisme...

Nous essaierons de nous en tenir au rythme d'une série par mois; chacune portant sur une dizaine de numéros[**]. En effet, la périodicité de «Vivre» a été variable. L'année calendaire a vu fluctuer le nombre de numéros de 4 à 24 au cours des 26 années d'existence du magazine... Ainsi fut-il d'abord mensuel de 1926 à 1928 (période de lancement des idées et des options naturistes auprès du Public). Puis, il devint bimensuel de 1929 à 1935 (montée en puissance du mouvement dans toutes les classes sociales). Pour redevenir mensuel jusqu'en 1939 (avec la Crise, les consensus sociaux tendaient à se fissurer). A sa reparution au Printemps 1946 et jusqu'à fin 49, il se cherchera dans la trimestrialité. Mais avec la renaissance d'un nouveau mouvement nudo-naturiste structuré (1949 : fondation de la Fédération Française de Naturisme -FFN- et lancement d'un magazine grand public, «La Vie au Soleil», par Albert LECOCQ, disciple indépendant de KIENNE de MONGEOT), il se rangera au rythme bimestriel et le gardera jusqu'en 1963.
Il nous faudra donc un minimum de trois années années pleines pour «sortir» ces 412 numéros de 15 pages en moyenne. Mais bon, c'est parti !...

Pour guider le lecteur, nous essaierons de faire précéder chaque parution d'un mot d'introduction s'efforçant de souligner les idées-force et les informations les plus saillantes qui se dégagent de la série et qui caractérisent le mieux la «ligne» du Mouvement dans son évolution.
Moi-même et Julien WOLGA, pour la sensibilité «jeunes générations», nous nous attèlerons à ce travail de fouilles et de refondation. En espérant que parmi nos visiteuses et visiteurs, des vocations se manifesteront pour venir étoffer notre «équipe» et nous aider à tenir notre engagement...
Ainsi, peu à peu, disposerez-vous avec nous des «briques» nécessaires à la reprise du chantier d'édification de cette Cité Naturienne en panne depuis si longtemps. Il y a tellement urgence à la faire enfin «sortir de Terre» au rythme où, sur leur lancée aveugle, nos Sociétés se rapprochent du mur !...

Michel PIVERT
Président-fondateur de l'ANEP


[*] Nous rappellerons encore ici que si c'est à regret que nous abandonnons peu à peu l'épithète «naturiste» et le remplaçons par «naturien(ne)» nous avons au moins trois  bonnes raisons de le faire.

1/ Le mot «naturisme», à cause du «isme» final, renvoie à une notion d'idéologie et place aussitôt cet engagement dans la quête de la Vérité de la Vie sur le même plan que toutes les options existentielles dont regorge le Supermarché mondial des doctrines, des croyances, des systèmes, qui aveuglent et égarent l'Homme dans son aspiration au simple Bonheur de Vivre.

2/ Le qualificatif «naturiste» sert aujourd'hui de pudique cache-sexe à la plupart des pratiques sexuelles disons «hors-normes» qui s'étalent désormais au grand jour; à commencer par l'échangisme. Il n'est donc plus, hélas, un identifiant ...politiquement correct pour parler de ce qui est en cause ici.

3/ Au contraire de «naturien(ne)», le mot «naturiste» ne permet pas de différencier le féminin du masculin. Il est également trop abstrait et désincarné. Plus un simple signalement d'une adhésion à une idée alternative que d'un engagement existentiel concret et absolu dans un état d'être. Ceux qui habitent la Terre sont des terriens, pas des terristes !

[**] Autre intention : pouvoir mettre à la disposition de nos «visiteurs(euses)/lecteurs(trices)» des fac-similés au format d'origine (24 x 31) des numéros qu'ils/elles  désireraient avoir matériellement en main. Nous étudions actuellement le coût de cette opération et ses modalités de réalisation.



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Coup d'envoi...
15 Mars 1926  : «VIVRE»  N° 1

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La guerre de 14-18 est close depuis à peine huit ans. Ses millions de jeunes gens «reposent» sous terre et l'on édifie partout des monuments aux «héros morts»... La Vie s'est affaissée sous un manteau de plomb...

Le besoin de repenser la manière d'être au Monde, le sens de l'existence, l'organisation sociale des communautés humaines, est ressenti dans tous les pays, dans toutes les tranches d'âge, comme l'urgence absolue. Surtout chez les plus jeunes et les rescapés.

Avec ce premier numéro, Marcel KIENNE de MONGEOT pose la première pierre en France de la réponse naturienne alors en cours d'élaboration dans toute l'Europe. «Notre titre,dit-il, c'est tout notre programme : Vivre !»
Et quel programme !
Vivre ! Oui, vivre! Et d'abord au plus près de notre héritage biogénétique, afin de pouvoir disposer et jouir d'un véhicule corporel aussi performant, maniable et durable que possible ! En même temps, au plus près aussi de nos aspirations ontologiques véritables; celles qui sont inscrites dans l'évolution de notre espèce. Bien au delà des simples pulsions animales. Aspirations au bonheur de se sentir exister, de jouir de la Vie, de partager cette jubilation avec nos semblables, dans la Conscience et dans l'Amour... Vivre encore au plus près de nos expériences vécues des bonnes et des mauvaises façons de mener notre existence quotidienne, afin  d'en  tirer des règles de conduite évidentes et bénéfiques. En se gardant parallèlement de nuire, sous quelque forme que ce soit, à soi-même, au autres, à la Planète... Dans une liberté d'adhésion authentique et joyeuse !
Et puis, à partir de ce viatique indépassable, se contenter d'accompagner la Nature dans son patient travail d'évolution vers le plus haut de son potentiel d'épanouissement. Sans négliger aucune de ses dimensions: corporelles, émotionnelles,intellectuelles, érotiques, artistiques, spirituelles...
Retrouver ainsi une voie de communion harmonieuse avec tout notre biotope; en gardant conscience de l'impact de nos comportements individuels et collectifs sur lui.
Enfin, replacer la «Culture» dans le droit-fil de la logique du Vivant, en veillant à ce qu'elle ne l'entrave pas, qu'elle ne le détourne pas vers des voies dégradantes et mortifères sans issue.

Ce premier numéro est comme une fenêtre vivifiante ouverte sur une nouvelle espérance !